Workshop Robotics by Design Lab X SNCF pour le bien-être au travail : Et si la robotique devenait un jeu ?
RbD Lab et SNCF se sont retrouvés à l’occasion de leur premier workshop le jeudi 15 avril, en visio, avec la participation de collaborateurs SNCF et de l’équipe de Robotics By Design Lab. Ce workshop avait pour objectif d’initier une discussion à travers la création de scénarios prospectifs autour d’une thématique : l’expérience au travail des agents SNCF.
La robotique chez SNCF
Le workshop a débuté par une présentation du programme Robots&Humains par Louis-Romain JOLY, responsable du dit programme chez SNCF. Les usages étudiés à ce stade sont issus des activités de maintenance ferroviaire (entretien de la flotte roulante et du réseau ferroviaire). Selon lui, si SNCF avait proportionnellement autant de robots que dans la manufacture, le groupe public ferroviaire en comptabiliserait 900. SNCF n’atteint pas ce chiffre pour deux raisons principales: d’une part, parce qu’il existe aujourd’hui des réticences dans l’acceptation de ces nouveaux outils, entretenue par l’imaginaire collectif qui dépeint une idée négative et inquiétante d’une robotique qui pourrait remplacer le travail humain, et d’autre part, car les outils technologiques sont perçus comme fragiles et peu résistants au travail pour lesquels ils seraient conçus. Face à cette vision collective, le point de vue de la recherche consiste à proposer une robotique accompagnant le travail humain. Cette forme de robotique permettrait d’augmenter significativement la motivation et le bien-être, et in fine, augmenter la performance. Robotics by Design Lab et le programme Robots&Humains croient en cette forme de robotique qui augmenterait le plaisir à travailler. Pour répondre à cela, l’équipe Robots&Humains travaille quotidiennement sur les prototypes des outils de demain conjointement avec les travaux de Mégane SARTORE, alimentant ainsi leur axe “Human First”.
La psychologie et le design au service de la robotique chez SNCF
Depuis fin 2019, SNCF travaille conjointement avec le programme Robotics by Design Lab porté par Strate école de Design en tant que partenaire en accueillant une thèse CIFRE. C’est Mégane SARTORE, psychologue du travail de formation et doctorante chez SNCF qui mène depuis juin 2020 son projet de recherche sur la robotique “ikigai” (“joie de vivre” et “raison d’être” en japonais), sous la direction de SNCF, le laboratoire LINEACT - CESI et Strate école de Design.
Cette thèse en Psychologie et Design permettra de porter un nouveau regard sur la robotique chez SNCF. Cette recherche est axée principalement sur la motivation et le bien-être au travail en questionnant la manière dont il serait possible de maximiser l’ikigai des agents et leur performance collective par le design de la robotique dans une approche de psychologie. Côté terrain, cette thèse a débuté par un retour d’expériences comparant l’impact des outils technologiques versus des outils traditionnels sur les dimensions psychologiques et organisationnelles du travail. Ce REX va permettre de retenir les éléments qui ont été efficaces dans les démarches de conception précédentes dans le domaine de la maintenance ferroviaire (technicentres pour la maintenance du matériel roulant et infrapoles pour la maintenance du réseau). Ces éléments seront ensuite le point de départ pour proposer une nouvelle démarche de conception d’outils par le design.
L’équipe du RbD Lab, représentée par Ioana OCNARESCU et Emna KAMOUN, a présenté les résultats des travaux sur la robotique sociale à Strate à travers quelques vidéos de trois prototypes de robots. Parmi ces recherches, Strate Research a notamment présenté son étude en immersion dans le Living Lab avec Pepper ainsi que son étude sur l’acceptabilité de Pepper en autonomie auprès de 24 patients durant une semaine dans un centre de rééducation. Ces résultats soulèvent une question importante : dans quel monde (robotique) souhaitons nous vivre ?
Ensuite, le workshop abordait la thématique de l’expérience au travail. Et si la technologie n’est pas un but mais un élément dans la construction d’une bonne expérience ? Le concept du mur peut être considéré soit comme un obstacle soit comme un projet qui se bâtit. Cette métaphore du mur vient de l'expression "brique technologique" (SNCF), auxquelles on ajoute des composantes pour créer des produits technologiques qui deviennent de plus en plus complexes. Le mur à co-construire serait alors un mur hybride avec une variété de briques à la fois humaines et technologiques. Le rôle de RbD Lab est de s'intéresser à l’espace interstitiel en posant la question: quel est le liant de ces briques ? L'expérience, le lien social, l'interaction entre les unités soit par la modification de briques existantes soit par l'implémentation. Le but n’est pas de remplacer les briques humaines protéiformes par des briques technologiques formatées mais bien de faire tenir une architecture hybride (à l’exemple, le musée royal de l’Ontario à Toronto).
Qu’en pensent les participants ? Analyse de leurs productions
Les participants ont pu vivre l'expérience de la robotique à travers des cas d’usage métier en dépassant la dimension technologique et utilitaire. L’objectif était de rendre les participants acteurs de notre réflexion en leur proposant d’imaginer des utilisateurs d’outils de nouvelles technologies dans leurs métiers. Nous souhaitions leur transmettre notre volonté de faire d’aller plus loin que d’offrir un outil robotisé. Une piste est d’adjoindre à un robot utilitaire un côté robot social. Toutefois les robots sociaux n'existent pas encore. Le design et les sciences humaines disposent d’outils de projections pour vivre et expérimenter l’apport et l’impact des technologies dans nos quotidiens. Ainsi, nous avons fait émerger des scénarios d’usages autour de robots utilisés dans la maintenance ferroviaire en s’appuyant sur les problématiques réelles du terrain.
Les 14 participant·e·s ont travaillé individuellement pour décrire l’expérience de l’utilisateur d’un outil enrichi d’une caractéristique de robot social. Les participants devaient choisir une carte par catégorie : (1) les Bénéfices expérientiels (Ro-Key, Ro-Bear, Ro-Bin ou Ro-Ker), (2) les Outils (PICOT ou JOKER) et (3) les Personas (Extraversion, Expérience, Techno-orientation, Bien-être, Management et Motivation). Cet atelier s’est déroulé sur un tableau blanc coopératif en ligne permettant de travailler simultanément sur un même espace. Un large panel de métiers a émergé dans cet atelier, reflétant la variété des métiers chez SNCF, allant du siège (1 participant·e) à la filiale Altamétris (1 participant·e). Chez SNCF Voyageurs, les métiers les plus choisis ont été les agents en gare et à bord des trains (3 participant·e·s) et les agents de maintenance en technicentre (4 participant·e·s). Côté SNCF Réseau, on observe une plus grande diversité de métiers (4 participant·e·s). Le profil ressortant le plus souvent représente un·e jeune agent·e de 20 ans, sortant tout juste de l’école et qui vient d’intégrer la SNCF (64%). Il·elle est bavard·e, lance souvent des discussions avec ses collègues (64%). La technologie n’a aucun secret pour lui·elle, il·elle adore cela (57%) ! Il/elle est heureux·se dans son travail (86%) et se sent bien traité·e par ses chef·fe·s, ils·elles le·la laissent travailler et lui font confiance (64%). Son métier, c’est sa passion (78%) !
Le Joker a été choisi par 57% des participant·e·s, ce qui a permis de faire émerger des outils auxquels nous n’avions pas pensé. Ces outils étaient tous différents d’un·e participant·e à un·e autre. Deux outils étaient à destination des voyageurs, dont un qui faciliterait l’interaction et la communication avec les voyageurs non francophones. Pour entretenir le réseau, le palpeur US est un “outil de détection et de mesure de fissures de rail par ultrasons”. Le robot sig serait un “tableau mural optique de gestion des itinéraires et incidents”. Dans le même état d’esprit, Gab-J serait un “outil récupérant des données”. Enfin, une version autonome de PICOT ainsi que RO-DA, un outil de référence des métiers SNCF ont également émergé. A partir de ces outils et de ces traits de personnalité, les participant·e·s ont ensuite imaginé une version augmentée de l’outil avec l’une des cartes Bénéfice expérientiel.
Sur les quatre cartes Bénéfices expérientiels, la moitié des participant·e·s ont choisi Ro-bin, le robot qui assure l’agent que son travail est parfaitement réalisé en toute circonstance. Les participant·e·s ont décrit une diversité d’usages liés au bien-être des voyageurs (2 participant·e·s) et à l’inspection des ouvrages (1 participant·e). Ro-Bin permettrait un gain de temps donc de productivité (3 participant·e·s) dans les métiers de la maintenance ferroviaire. Il permettrait également de se sentir plus utile auprès des voyageurs et de favoriser les relations humaines (3 participant·e·s) dans les métiers en gare et à bord des trains. Il est important de noter que dans ce contexte, le bien-être des voyageurs semble avoir pour conséquence le bien-être de l’agent lui-même. Au croisement de cette parité parfaite entre le gain en productivité exprimé dans la maintenance ferroviaire et l’intérêt porté au bien-être des voyageurs en gare et à bord des trains, le métier d’aiguilleur se démarque en décrivant une amélioration de la régularité du trafic pouvant être interprétée comme le croisement entre productivité et bien-être des voyageurs.
Tous bénéfices expérientiels confondus, il en ressort un gain de temps (6 participant·e·s), de productivité (4 participant·e·s) et de sécurité (4 participant·e·s). Les notions de plaisir (1 participant·e) et de relations humaines (1 participant·e) sont également ressorties mais de manière moins significative. Cela soulève notre principale question de recherche : comment augmenter significativement le bénéfice en termes de plaisir ? En d’autres termes, comment un outil robotisé pourrait augmenter le plaisir à travailler ?
Les robots imaginés par nos 14 participant·e·s sont souvent des outils (3 participant·e·s) autonomes (10 participant·e·s), ergonomiques et faciles à utiliser (5 participant·e·s), donnant des informations en temps réel (3 participant·e·s), équipés d’une IA (2 participant·e·s), communicant (6 participant·e·s) et incarnant un rôle d’assistant ou d’accompagnateur de l’agent (6 participant·e·s). Nous notons l’accent mis sur l’autonomie et l’intuitivité du robot, mais surtout sur le lien avec l’agent (accompagnateur, assistant). Par exemple, certains participants ont imaginé l’ajout d’une fonctionnalité non indispensable à la tâche mais permettant de se débarrasser d’une charge cognitive, et ainsi de travailler l’esprit tranquille. La robotique serait donc plutôt centrée sur la médiation, le lien et la suppression d’une charge cognitive. Ce constat innovant contribuera à notre effort pour définir de manière plus large la robotique et de s’interroger sur la place de la robotique, donc sur sa plus-value : la robotique permet-elle un gain en performance et en bien-être par son rôle de médiation ?
Suite à ce travail, nous avons échangé sur les thématiques qui ont pu émerger. Un premier constat très intéressant est que le bien-être au travail passerait par le savoir-faire. En parallèle, certains freins existent concernant la technologie. Par exemple, un·e participant·e nous a dit “j’aime la technologie au quotidien mais j’ai eu de mauvaises expériences au travail, donc je n’aime pas la technologie au travail”. L’idée serait de comprendre pourquoi ça n’a pas fonctionné car la levée des freins passe par la compréhension des échecs précédents pour en tirer des leçons. Enfin, nous pourrions réitérer ce workshop avec des profils plus opérationnels tels que des agents de terrain.