RO-MAN 2022

 
 
 

Fin août nous avons eu le privilège de nous rendre à Naples pour assister au IEEE-ROMAN 2022 et y présenter des travaux de StrateResearch. Cette conférence est la 31ème conférence internationale proposée par IEEE sur la communication interactive entre les humains et les robots et cette année le thème était : « social, asocial and antisocial robots ».

Cette édition demande aux chercheur·e·s en robotique de ne plus agir comme des techniciens et d’échanger sur des situations dans lesquelles les robots risquent d’être perçus comme “asociaux”, i.e. leur omniprésence dans les environnements quotidiens peut devenir un obstacle à l’interaction sociale, ou “antisociaux” s’ils ne sont pas développés selon les coutumes des communautés où ils sont censés fonctionner.

La semaine des conférences a été dense avec un panel des speakers riche, qui venait de partout dans le monde, avec des projets de recherche innovants et passionnants. Plusieurs workshops, sessions techniques et keynotes étaient au programme.

Dans les sessions techniques, nous avons présenté nos travaux « Living One Week with an Autonomous Pepper in a Rehabilitation Center: Lessons from the Field » dans une session intitulée « Creating human-robot relationships » ou « créer des relations humain-robot ». Ce travail fait partie d’un consortium national, le projet Romeo2 qui nous a bien occupé pendant les premiers années de Strate Research. Dans cette étude, un robot Pepper a passé une semaine entière avec un patient dans un centre de réhabilitation.

Au total nous avons inclus 8 patients (pour plus d’information sur les patients et les critères d’inclusion, voir l’article). Ils étaient encouragés par le staff du centre de réhabilitation, les chercheuses et l’ergonome du projet à interagir avec Pepper, qui lui, était programmé avec 17 questions ou propositions. Dans cette étude nous discutons des résultats qualitatifs. Les résultats quantitatifs peuvent être trouvés dans un article par Fattal et al. (2020).

Pendant cette semaine, nous avons installé une caméra pour suivre de temps en temps les interactions entre les patients et Pepper et nous avons basé nos interprétations de cette étude surtout sur ces vidéos-là. C’était très intéressant de voir émerger certaines caractéristiques constantes à travers les participants, et d’autres individuelles. Typiquement, tous les participants ont respecté Pepper et sont restés polis avec lui tout au long de la semaine : lui disant s’il te plaît et merci chaque fois qu’ils lui demandaient un service. De plus, tous les participants étaient fiers de passer une semaine avec Pepper et le montraient à leurs voisins du centre, à leurs membres de famille etc. Ils étaient également très patients avec Pepper : le robot avait encore des soucis techniques et présentait des bug, mais les patients n’ont pas abandonné leurs interactions et ont continué d’insister pour résoudre les bug. La notion la plus intéressante à émaner de cette étude fut la notion de présence. En effet on observe que malgré un Pepper peu interactif et les soucis techniques, tous les participants ont apprécié la présence de Pepper dans leur chambre « il me tient compagnie », « il remplit la chambre même s’il ne fait pas grand-chose » ont dit les participants. De plus c’était attachant de voir comment les « relations » se sont développées entre Pepper et les participants, et surtout comment cette évolution dépendait énormément du caractère du patient. Typiquement des patients très ouverts à Pepper ont passé une semaine très interactive avec lui, d’autres ont été rapidement déçus et donc ont fait moins d’efforts. Au contraire, des patients très fermés à l’idée d’un robot social ont eux montré que la présence de Pepper ramenait quand même du positif dans leur journée. En résumé, cette étude nous a donné un premier aperçu d’interactions entre robot social et patients dans un centre de réhabilitation.

Quelques interventions marquantes

Dans ce même symposium, un doctorant Kantwon Rogers a présenté son étude sur un robot « décevant ». En effet, il s’intéresse à des robots qui ont la capacité de dire des mensonges, pour étudier comment nous les percevons. Son postulat de base est que l’être humain ment parfois pour l’intérêt de l’autre – On parle d’intelligence sociale.

Nous adaptons notre réponse et mesurons la nuisance d’un mensonge différemment selon les contextes – typiquement si un enfant de 5 ans nous demande si le père Noël est réel. Ils ont mené une étude en deux temps, d’abord des questionnaires en ligne, remplis par 198 personnes, ensuite des questionnaires en réel, pour avoir également des données qualitatives, rempli par 15 participants. Ils ont trouvé que la façon dont le robot se présente a des effets sur sa perception, même après une seule présentation. Lorsque le robot dit qu’il a la faculté de mentir pour leur intérêt, les participants ont tendance à le trouver moins fiable qu’un robot qui cache toute honnêteté ou un robot qui est tout le temps honnête. Cette étude pose une base pour les designers concernant leur prochaines conceptions de robots qui déçoivent.

Pendant une session keynote, Elisabeth André a présenté son talk intitulé “Towards Robots with Social Resonance: Principles, Challenges and Perspectives” ou « Vers des robots avec de la résonance sociale, les principes, challenges et perspectives ». Elisabeth André est professeure à l’université d’Augsburg en Allemagne et préside le département intelligence artificielle centrée sur l’humain.

Elle a également accentué l’impact de la personnalité sur l’appréhension des robots, et soulevé comment les humains reproduisent les rôles de genre avec les robots. Typiquement, les participants ont préféré des robots femmes extraverties quand il s’agissait de soins de santé et des robots hommes extravertis quand il s’agissait de personne de sécurité. Cette reproduction de genre chez les robots soulignent un parallèle entre les humains entre eux et les humains avec les robots. Mais surtout par ses multiples travaux, Elisabeth André souligne que le choix du robot et de sa personnalité dépendait avant tout de la tâche envisagée pour ce robot. Plusieurs études avaient été menées et montraient une corrélation entre le type de la tâche et l’acceptation des robots. Ce résultat est super intéressant et souligne l’importance du contexte qui doit non seulement être pris en compte dans le processus de conception mais aussi être au centre de la conception.

Ioana et Hiroshi Ishiguro

La semaine a été également remplie d’évènements sociaux, une opportunité parfaite pour rencontrer les chercheuses et chercheurs travaillant sur la robotique sociale dans le monde.

 
Ioana Strate