Parution de l’article « Discovery report following 5 years of research project on socially assistive robotics » de Ioana Ocnarescu et Isabelle Cossin
A travers de l’article Discovery Report Following 5 Years of Research Project on Socially Assistive Robotics publié dans le journal Current Robotics Reports les chercheuses de Strate font suite à cinq années de recherche sur la robotique sociale. Il s’agit d’une étude sur la corrélation entre l’apparence, le comportement et le rôle et les représentations des robots, dans le champ de la robotique sociale d’assistance.
Face aux multiples scénarios potentiels imaginés par les designers à propos d’un futur où les robots et les humains cohabitent, l’article rappelle qu’il est important de distinguer la possibilité de la désirabilité, autrement dit, mêmes s’ils sont réalisables, certains scénarios ne répondent pas aux désirs et attentes des populations cible.
Par une analyse des travaux antérieurs dans ce champ, l’article présente plusieurs dimensions clés de la relation entre la robotique sociale d’assistance et les personnes vulnérables. En effet, il a été démontré que la technologie d’assistance s’impose comme une médiation efficace dans l’écosystème de la personne diminuée, l’aidant spécialement à renforcer ses expériences sociales. Dans ce contexte, les designers ont mesuré les limites de l’engagement dans la relation entre le robot et les personnes âgées en prenant en compte certains critères tels que la confiance, le contrôle et la discrétion en plus des critère extérieurs tels que l’acceptation sociale et le cadre légal et étique dans lequel s’inscrit cette relation.
Du point de vue de la perception et des projections sur les robots sociaux, les précédentes études ont montré que le rôle social des robots est perçu différemment selon les personnes à qui on apporte cette assistance. Ainsi, les personnes âgées les perçoivent comme des assistants domestiques, les personnes ayant un handicap lié à une perte d’autonomie partielle ou totale les considèrent comme des aides ou des auxiliaires leur permettant de compenser cette dépendance ; et ce ne sont que les jeunes assistés par des robots qui leur attribue le rôle d’ami. Dans une autre étude récente, cinq rôles principaux des robots ont été identifiés en ce qui concerne l’usage de la robotique sociale d’assistance dans le soin octroyé aux des personnes âgées : l’accompagnement psychologique, l’entrainement cognitif, la facilitation sociale, la compagnie et la surveillance des marqueurs physiologiques.
Un des objectifs de la recherche de Ocnarescu & Cossin est d’apporter un éclairage supplémentaire sur les rôles des robots mais en lien avec leur apparence. Le but étant d’apporter davantage de connaissance sur les interconnections entre l’apparence et le comportement des robots et ce que cela implique pour les rôles et tâches qui leur sont assignées. Plus précisément, l’article pose la question suivante : est-ce que les robots humanoïdes se distinguent des autres formes de robots et comment cela influence-t-il les attentes en termes de rôles modèles pour les robots sociaux d’assistance ? Pour répondre à ces problématiques, cette étude propose des questions annexes concernant la projection et l’interprétation possible des émotions.
Une approche par le design qui combine observation et expérimentation constitue le socle méthodologique choisi par les chercheuses pour mener cette étude. Une première phase de croquis et de discussions informelle avec les patients a permis de mettre en place des scénarios et des prototypes. Ensuite, la technique de la vidéo stop-motion a été utilisée avec des premiers prototypes non fonctionnels afin de mettre en place ce qu’elles ont nommé « les scénarios d’intention ». Le but de cette démarche était davantage la création d’un matériel pour enclencher les discussions avec les interlocuteurs ciblés à propos des comportements des robots que de tester les tâches à proprement parler. Il s’agissait de comprendre les rôles des robots sociaux à une échelle plus globale.
Du point de vue des robots, cette étude s’est concentrée sur trois typologies de robots : un prototype à l’échelle 1 :1 du robot humanoïde Romeo, fabriqué en carton et articulé grâce à des tubes métalliques et des aimant pour imiter les gestes de la version originale ; le robot Nao de la compagnie Softbank robotics et Anubis, un robot non-humanoïde avec des grands bras qui lui permettent d’attraper des objets, et dont la forme similaire au fauteuil roulant pour le basketball a été conçue suite à l’identification de besoins des usagers lors d’une étude précédente. La méthodologie basée sur une étude à la fois qualitative et quantitative a été appliquée sur 72 personnes dans différentes maisons de retraite et centre de soins en France, la majorité vivant dans ces établissements avec une certaine forme de dépendance nécessitant une assistance renforcée.
Bien que l’étude différencie les résultats selon les trois robots, la perception de la présence des robots était globalement positive et les patients déclaraient être prêts à les accepter pour améliorer leur quotidien et celui des aidants. Quant aux rôles attribués, les robots ont été perçus par les patients interrogés comme des soignants ou comme des intermédiaires entre eux et le personnel médical ou encore comme des domestiques. Néanmoins, l’aspect affectif n’a pas été écarté. Si certains patients ont utilisé le terme « outil » pour qualifier les robots, plusieurs autres se sont dirigés vers des termes suggérant une relation intersubjective tels que « majordome » ou « ami », allant même à exprimer une volonté de leur attribuer un nom. L‘article insiste sur une autre notion accompagnant ce type d’interaction projetée entre les patients et les robots, à savoir le soutien mutuel. En effet, certaines personnes ont exprimé par exemple la volonté de présenter leur robot à leur famille et d’être polis avec eux, convaincus que la simple présence d’un robot pourrait améliorer leurs interactions sociales de manière plus large.
En ce qui concerne les notions d’intimité et de contrôle, une certaine ambivalence dans le positionnement des patients a été relevée. D’un côté, les robots peuvent être perçus comme un bon moyen de gagner en autonomie, d’un autre, certaines personnes continuent à exprimer une méfiance par peur que ces derniers prennent trop le contrôle de certains aspects de leur quotidien allant jusqu’à la peur d’une forme de dépendance à ces robots qui rendrait la présence humaine facultative.
Bien que cette étude montre les différences et des similitudes entre les trois typologies de robots en termes de tâches et de rôles, en corrélant les résultats avec l’apparence de chaque robot et les attentes et comportements perçus, l’article montre les similarités expérientielles transcendent l’apparence du robot et renvoient à des questionnements plus complexes autour de « vivre avec » les robots sociaux. Si le rôle principal perçu d’un robot en tant qu’assistant dans cette étude est commun à plusieurs études précédentes, cette étude aura proposé de nouvelles connexions entre l’apparence du robot et la projection que se font les personnes fragiles des rôles et tâches de leur robot assistant potentiel.