Des robots pour la paix ?
Lors du 1er Summer Camp Robotics by Design Lab en juin dernier, Catherine Simon, fondatrice du salon Innorobo (dédié au lien entre roboticiens et entreprises pour encourager l’industrie de la robotique) entre 2011 et 2018 nous a interpellé sur la possibilité de faire du robot un outil pour « la paix ». L’occasion de revenir sur ce qu’est la robotique aujourd’hui et comment faire en sorte de la maitriser pour l’avenir ?
Aborder les nouvelles technologies sous l’angle de leur contribution à la Paix n’est pas courant. Pourtant, elles impactent nos systèmes sociaux, politiques, économiques et l’écologie. Nous avons donc besoin de réfléchir sérieusement au monde que nous voulons construire avec et/ou grâce à ces technologies qui auront des retombées positives comme négatives. A cet effet, Catherine Simon explique qu’il faudra en premier lieu changer notre regard, notre perception et le paradigme de nos valeurs pour passer de la productivité à la résilience (durable, sociale, culturelle, inclusive) ; ouvrir des espaces de création et d’imaginaire, pour un nouveau regard sur notre engagement au monde. Cette démarche, pas si simple tant nous sommes conditionnés par nos manières de vivre et les imaginaires construits autour, prend tout son sens si on la relie aux 17 objectifs de l’ONU à l’horizon 2030[1].
La définition de la Paix a en effet évolué ces dernières années, passant d’un « fait » (la paix comme fin de la guerre) à une approche plus globale et à une quête continue de « vivre ensemble en harmonie ». Les nouvelles technologies pourraient donc tout à fait être utilisées comme un lien pour comprendre l’autre.
Les ONGs partenaires de la Journée de la Paix en 2018 ont fait appel aux enfants du monde entier pour illustrer la thématique : « Drones et robots pour la Paix ». Les résultats ont donné de nombreux exemples d’usages de robots comme acteurs et messagers d’une culture de paix : le drone qui livre les équipements et ressources de première nécessité dans des lieux sinistrés; le robot agricole qui améliore le rendement productif des cultures en préservant la richesse de la terre; des exosquelettes et prothèses bio-mécatroniques qui suppriment les barrières du handicap; des robots qui permettent à des populations isolées un accès à l’eau et l’électricité; des robots démineurs, pompiers, sauveteurs; des robots d’interaction qui réunissent des familles éclatées par les migrations; des robots compagnons et assistants ...
Si les enfants ont le plus souvent pris des cas d’usage réalistes et pragmatiques, quelle est la réalité de la robotique aujourd’hui ? et quelle sera son évolution à plus ou moins long terme ? Ces questions sont importantes pour guider nos actions et influencer le cours de la transformation robotique en émergence.
La robotique industrielle
La part la plus importante de la robotique mondiale aujourd’hui est industrielle. Les robots remplacent l’homme dans des tâches pénibles et répétitives et garantissent un niveau de qualité uniforme sur l’ensemble d’une production. Facteur de productivité et de performance, l’automatisation touche en particulier le secteur automobile.
Les nouvelles robotiques - une General Purpose Technology (GPTs)
Catherine Simon préfère parler des robotiques, les robots étant multiples et transverses à de nombreux secteurs. Ce sont des services qui collaborent avec l’homme en apprenant (robots collaboratifs, plateformes robotiques mobiles, drones, exosquelettes, robotique de fabrication additive (impression 3D), nano-robots,…). Ils perçoivent leur environnement, fonctionnent grâce aux interfaces Homme –Machine (IHM) qui leur permettent d’interagir et coopérer avec l’humain et sont intimement liés à l’Intelligence Artificielle. Ils ont donc un fort impact sur nos différents secteurs économiques (industrie, santé, sciences – ils explorent l’espace, le monde sous-marin, le nano-monde… -) et le potentiel de métamorphoser nos sociétés, nos modes de vie et notre environnement.
Émergence des robots sociaux et robots relationnels
Ces nouvelles robotiques annoncent l’avènement des robots sociaux. Si nous n’en sommes aujourd’hui qu’aux balbutiements, sans doute que d’ici 10 ou 20 ans nous nous demanderons comment nous avons pu vivre sans ces petits robots qui nous accompagnent au quotidien et avec qui nous aurons développé des habitudes, voire même une « relation » ?!
Ainsi, entre imaginaires (positifs et négatifs) et nouveaux défis éthiques, c’est bien la question du monde dans lequel nous voulons vivre qui se pose. Comme le souligne Catherine Simon, l’innovation de rupture n’est pas réservée aux technologies. C’est bien notre appropriation sociale et culturelle, qui engage et transforme nos systèmes. Les technologies en plus de nous apporter des fonctions supplémentaires de perception, analyses, .... peuvent servir les innovations sociales, économiques et politiques, en expérimentant des modèles basés sur la coopération, la solidarité, le partage ouvert de connaissances, des pratiques communautaires équitables et durables, l’engagement civique et écologique.
C’est maintenant qu’il faut réfléchir à l’impact et à l’intégration des techniques, remettre l’humain au centre de leur utilisation en adéquation avec son lieu, son histoire et sa culture et expérimenter au plus proche du terrain, pour faire de nos futurs robots des « médiateurs d'expériences de vie réussies ».
Et quoi de plus approprié que le design et sa méthodologie pour étudier et anticiper les scénarios d’un monde partagé avec des robots pour créer de nouvelles écologies du vivre ensemble ?
[1] Les objectifs de développement durable répondent aux défis mondiaux auxquels nous sommes confrontés, notamment ceux liés à la pauvreté, aux inégalités, au climat, à la dégradation de l’environnement, à la prospérité, à la paix et à la justice. Les objectifs sont interconnectés et, pour ne laisser personne de côté, il est important d’atteindre chacun d’entre eux, et chacune de leurs cibles, d’ici à 2030. https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/objectifs-de-developpement-durable/